Ballon ovale. Des questions sur le rachat des « Irlandais » demeurent.
Voilà, le temps où le contribuable biterrois était mis sans cesse à contribution est peut-être terminé. Quoique, rien n’est sûr… au contraire. En tout cas, l’ASBH est officiellement passée sous « drapeau irlandais ». Lors d’une conférence de presse tenue en grande pompe (avec le ban des élus de l’Agglo et de la mairie, l’arrière-ban des salariés de l’ASBH et des supporteurs triés sur le volet) dans les salons du stade Raoul-Barrière le 7 novembre, la mairie – à qui, via la SCIC Béziers Sports, appartenait le club – représentée par Robert Ménard a passé le relais à un autre Robert, Skinstad de son nom, Sud-Africain – champion du monde en France en 2007, et Andrew Merthens, Néo-Zélandais – ancien n°10 star des All-Blacks et de l’AS Béziers Hérault (en toute fin de carrière, quand il a fallu aider le club à remonter de la Fédérale 1 à la Pro D2, lors de la saison 2010-11 et comme entraîneur sans trop de succès dans la foulée), représentant un fonds d’investissement irlandais, Strangford Capital. Beaucoup trop de flous dans le projet
Hormis le fait que le maire de Béziers en a beaucoup trop fait sur le rôle de la mairie qui aurait, selon lui, « sauver le club » (il en a d’ailleurs fait des affiches sur les sucettes publicitaires dans tout Béziers, preuve une fois encore que pour assurer son auto-promotion, il n’est jamais le dernier), Robert Ménard s’est félicité d’avoir vendu l’ASBH au consortium irlandais d’Eddie Jordan, représenté donc, en terres cathares, par Merthens et Skinstad. Ce sont les deux seuls à être à la tribune avec le premier magistrat biterrois, le troisième larron de l’histoire, Johnny Howard, est lui resté dans le public, au premier rang. On y reviendra. Robert Ménard en a donc fait des caisses : « Cela récompense quatre ans de travail. » Et puis est parti dans une cascade de remerciements comme s’il venait de remporter la Palme d’Or à Cannes. S’il n’a voulu donné aucun chiffre sur la vente du club, il a dit que : ● même si la mairie, via la SCIC – qui ne sera donc pas éteinte, contrairement à ce qu’il répondait à Nicolas Cossange (conseiller municipal d’opposition PCF) au conseil municipal (voir Pieuvre du Midi n°377, actuellement en kiosque) – vendait 75% des parts, elle en gardait 25 (les contribuables n’ont donc probablement pas fini de payer) ; ● que cette dite SCIC serait composée de trois membres de la mairie qui seront probablement au conseil de surveillance du club ; ● et qu’Arthur Bachès – « mon ami », comme l’a qualifié l’édile – resterait au poste de directeur général (et « œil de Moscou » de la mairie).
Du côté des deux représentants de Strangford Capital, on a plutôt user de la tactique de l’évitement que de celle de l’impact. Sur le chiffre de vente ? On a, comme la mairie, botté en touche, ne donnant aucune information sur le sujet. Pour le recrutement ? Il n’y en aura aucun pour l’exercice en cours. Confiance sera gardée à l’équipe et au staff en place. C’est pour la saison prochaine que tout ce petit monde va travailler. L’objectif ? « Atteindre le Top 14 dans les trois – quatre ans et s’y maintenir ». Ambitieux… mais raisonnable, voire carrément prévenant : « Si l’on n’y arrive pas, cela ne voudra pas automatiquement dire que ce sera un échec. » Mouais. Enfin bref, ils affirment vouloir construire du « dur » pas de l’éphémère : « Nous voulons bâtir du stable et du fiable. » Soit. Avec quel budget ? « Nous chercherons à augmenter le budget. Nous nous servirons de notre réseau pour approcher d’éventuels partenaires, s’il en faut des importants », a indiqué A. Merthens. Ok, mais de quel budget on parle ? et l’augmenter, d’accord, mais comment… et de combien ? Comme depuis le début de la conférence de presse dès qu’il s’agit d’argent, on botte en touche. Tout juste a-t-on compris que l’AS Béziers Hérault sera un club à l’accent français : « Nous ne sommes pas là pour créer un club d’étrangers, nous tenons à ce que Béziers garde son identité biterroise, française tout du moins… »
On en saura pas beaucoup plus sur le sportif, comme si les responsables eux-mêmes ne savaient pas trop quoi faire du club qu’il venait d’acquérir. Comme l’a confié Pierre Caillet, l’entraîneur de l’ASBH, à Midi Libre à l’issue de la conférence : « Les questions sur le sportif, comme vous l’avez vu, n’ont pas encore été abordées [ce sont plutôt les réponses qui n’ont pas été données, Ndlr]. Il y a pas mal de choses qui sont floues sur la suite et sur les différents projets. »
Le club géré en télétravail
« Cela ne nous empêche pas de nous investir ». Quand ils ont dit qu’ils n’allaient pas gérer l’AS Béziers Hérault à Béziers, que l’un, Andrews, sera à Paris, l’autre, Robert dit « Bob », à Londres, on a senti une petite gêne dans l’assistance.
Il faut dire que tout le monde sait que les Biterrois n’ont jamais aimé partager. Par le passé, ils l’ont prouvé à moult reprises. En politique par exemple, ils ont puni ceux qui avaient l’audace de se partager entre Béziers et Paris, selon leur mandat électoral. On se souvient que Pierre Brousse (maire de Béziers et ministre), dans les années 70, Georges Fontès (maire ministre), Alain Barrau (député maire) ou encore Raymond Couderc (député maire puis sénateur) dans les années 80-90-2000 ont tous été sanctionnés pour avoir partagé leur temps entre Paris et Béziers. Même la défaite récente, en juin dernier, d’Emmanuelle Duverger-Ménard (épouse de Robert) à la députation, peut être vue, en partie, comme une punition à Robert Ménard (mari d’Emmanuelle) qui fréquente trop, selon les électeurs du Biterrois, les studios TV parisiens.
Alors quand on entend qu’Andrew Merthens et « Bob » vouloir gérer le club biterrois depuis les capitales française et anglaise, on perçoit déjà des dents grincer du côté des supporters biterrois. Si les résultats sont au rendez-vous, on peut être certain que tous feront contre mauvaise fortune bon cœur, mais, si par malheur ça se passe mal… il y a fort à parier qu’ils subiront le courroux des suiveurs de l’ASBH.
Il n’y a qu’à voir ce qui se passe au niveau football, à Marseille.
Les Phocéens, à la mentalité proche des Biterrois, n’ont pas des mots assez durs pour qualifier le propriétaire de l’OM, Frank McCourt. Alors que depuis qu’il a repris le club, il a tout de même injecté plus de 600 millions de dollars (environ 576 M€), il suffit que l’OM ne soit pas qualifié pour la Ligue des Champions ou pire, comme cette saison, ne joue aucune Coupe d’Europe, pour qu’il soit conspué, cible de toutes les insultes…
Ce sera Johnny Howard qui aura la charge de représenter les deux coprésidents à Béziers. Venu clore une carrière « modeste » mais honnête de demi de mêlée à Béziers – après avoir joué 38 matchs en trois saisons à Northampton (Angleterre), 15 en deux à Bayonne, 27 en une à Aix-en-Provence et 28 en deux exercices à Béziers. A sa retraite, il décida de rester dans la cité natale de Jean Moulin et avec son coéquipier à l’ouverture d’alors, Charly Maillé, ils ont ouvert un restaurant nommé « La Charnière » en 2012. L’aventure dura peu ou prou cinq ans avant de fermer mais l’ancien n°9 resta dans le périmètre, via son bus food-truck, « Le Briterrois », réputé pour ses excellents fish and chips. La plupart du temps basé rue de l’Aramon à Sauvian, il n’hésitait pas à se promener vers le stade Raoul-Barrière les soirs de match ou à la scène de Bayssan les soirs de spectacle.
Mis à part le fait qu’il ait été sous les ordres d’Andrews Merthens quand il était éphémère entraîneur et lui joueur à Béziers et qu’il parle anglais et bien français (pour un anglais) – ce qui va faciliter les rapports entre les uns et les autres, on ne sait pas quel est la vraie « valeur ajoutée » du londonien de naissance.
Le fait qu’il ait été dans l’assistance et non à la tribune semblerait démontrer qu’on ne souhaite pas, pour l’instant qu’il s’exprime. Pourquoi ? On l’ignore.
En tout cas, si Arthur Bachès va rester l’œil de Moscou de la mairie, Johnny Howard a le profil pour être l’œil de Moscou des repreneurs du fonds d’investissement irlandais, Strangford Capital. Le projet de rachat du London Irish passé en vitesse C’est une des inquiétudes qui émergeait du rachat. Est-ce que l’acquisition de l’ASBH allait être la première d’une longue série ? Celle du London Irish allait-elle suivre rapidement ? C’est la question qu’a posée par vidéo-conférence un journaliste du Times en Angleterre. L’air de rien, elle était importante. Elle signifiait que l’AS Béziers Hérault allait faire partie d’une galaxie de clubs et que Strangford Capital allait être à la tête d’une multipropriété.
A terme, cela pouvait indiquer que l’ASBH risquait d’être le centre de formation, voire la pouponnière de certains jeunes joueurs afin qu’ils se perfectionnent et fassent ensuite les beaux jours du London Irish (voir Pieuvre n°376).
Mais les deux coprésidents ont été clairs : « On veut être focus sur Béziers et que sur Béziers » (« Bob » Skinstad). « Eddie Jordan est un homme qui connaît le business, s’il a l’opportunité d’acheter un autre club, ce sera toujours pour que Béziers en tire profit »(Andrew Merthens).
On est de nouveau dans le domaine du secret des affaires et on en saura pas plus pour l’instant. On doute cependant que, s’il s’offre (avec Strangford Capital) le club londonien, Eddie Jordan réunisse la presse dans la capitale britannique pour dire que le club allait se mettre au service de Béziers. Mais bon… Strangford Capital, là que pour la gloire du club ? On n’y croit pas une seconde On a aimé la question provocatrice et ironique de France 3, aux deux membres de Strangford Capital sur leur philanthropie affichée, ponctuée par du Margaret Thatcher : « I want my money back » (« Je veux qu’on me rende mon argent » en français). « Il y aura un retour qui ne sera pas forcément en terme de bénéfices. Nous avons des gens passionnés qui croient au projet mais qui ne sont pas là pour avoir un retour en financement », affirme Andrew Merthens. Tout dans l’action du fonds d’investissement Strangford Capital sera-t-il donc réalisé à la gloire du club et son histoire ?
Quand on lit ou entend « fonds d’investissement », on n’a pourtant pas que de bons échos sur le territoire français. Il n’y a qu’à voir la situation du club de football de Bordeaux – descendu du 2e (Ligue 2) au 4e niveau (National 2) – pour se convaincre que ce type de montage à la tête d’un club peut avoir des conséquences néfastes.
Car, malgré ce que veut faire croire Andrew Merthens les fonds d’investissement ne sont pas des entreprises philanthropiques qui ne vivent que pour restaurer la gloire passée d’un club, vraiment pas.
Leur présence de plus en plus importante dans le sport répond à un intérêt financier. En ce, les clubs professionnels de sport, surtout en football, mais aussi désormais dans le rugby, représentent un excellent investissement. Ils peuvent permettre une belle plus-value au moment de leur revente. Sans parler des actifs. Humain d’abord. On forme un joueur, on lui donne le meilleur afin qu’il devienne un grand rugbyman et ensuite on le revend, via un transfert à un club plus huppé. Et on ne parle même pas des transactions immobilières qui peuvent fleurir au fil des années. Peut-être qu’à terme, le stade Raoul-Barrière sera vendu à Jordan et les siens pour devenir un « Raoul-Barrière Stadium Jordan » par exemple. Peut-être que l’un des parkings aux abords du stade, sur lequel on n’a bizarrement placé aucun toit aux panneaux photovoltaïques pourrait laisser place à terme à un projet immobilier, un Jordan Hôtel ou un circuit de karting, un « Jordan Kart ».
Parfois, comme au Portugal, les fonds d’investissement marchent, parfois comme en France ou en Italie, il y a des dommages… et c’est le club qui, souvent en premier, en pâtit. Mais où était donc Eddie Jordan ? A l’image de l’arlésienne, il a été le « grand » absent de la conférence de presse. Eddie Jordan n’a pas fait le voyage à Béziers pour sa nouvelle acquisition.« Il a quelques challenges (défis) niveau santé, pour le moment il est focalisé sur ça », a expliqué « Bob » Skinstad.
Chargé de « vendre » l’absent, Andrew Merthens a affirmé : « C’est un vrai businessman. Un touche-à-tout de génie ». Puis s’est amusé : « [En tant qu’ancien pilote et surtout gérant d’une écurie de F1] il va être chauffeur du car. On va faire Béziers Aurillac en trente minutes. On est vraiment chanceux d’avoir un tel mec… »
Certes Béziers est peut-être chanceux. Et même si l’on croit sur parole « Bob » Skinstad sur les soucis de santé que traverse le « businessman » irlandais, on aurait peut-être aimé qu’il s’adresse aux Biterrois par le biais d’une vidéo, tellement aisée à réaliser actuellement avec un mobile.
Enfin bref, le 7 novembre 2024, l’AS Béziers Hérault a ouvert une nouvelle page de son histoire, en passant sous pavillon irlandais. L’avenir dira si cela fut « La parenthèse enchantée »… ou « Voyage au bout de l’enfer ». Qui vivra verra… « Wait and see » comme on dit en irlandais… PEA
Les « faits divers » s’invitent dans la conférence
Pas une mais deux questions ont concerné les faits divers qui ont secoué le club ces dernières semaines. « J’avoue que je ne m’y attendais pas, a commencé Robert Ménard, mais comme c’est une conférence de presse, il faut accepter toutes les questions donc j’y répondrai ».
Elles n’étaient pas hors-jeu ces deux questions. En bref elles demandaient si les accusations de violences conjugales de Taleta Tupuola et Hans
Nkinsi et le comportement inqualifiable de Samuel Marques lors de la Nuit du rugby – où il a notamment craché au visage d’une hôtesse – (voir Pieuvre n°376) avaient fait vaciller, ou non, la vente. « Non », a répondu Robert Ménard qui a pris seul la parole sur le sujet. Il sépara, encore une fois les deux premiers « cas » du troisième qui est « une bêtise » , sans cette fois rajouter qu’elle était l’œuvre d’un gamin de 15 ans, comme il l’avait fait précédemment dans Midi Libre, alors que Marques en a 35. « Si sanction il y a, ce ne sera qu’au niveau de la Fédération et du club, pas plus ».
Pour Tupuala, il a expliqué qu’une « procédure qui suit son cours avec un procès qui se déroulera le 15 novembre à 8h30 » et rappelé que « pour le moment, il est présumé innocent ».
Pour Nkinsi, le maire de Béziers a indiqué qu’après « avoir discuté avec le procureur de la République et le commissaire, l’enquête qui suit son cours n’a débouché sur rien pour l’instant. »
Affaires donc à suivre…